De la Lean Métrologie à la Smart Metrology…
Voilà maintenant près de 30 ans que la « Qualité » s’est installée dans le monde industriel, services inclus. Avec l’ISO 9001, de nombreuses entreprises se sont vues imposer de respecter des exigences normatives, dans leurs différents services (production, S.A.V., R.H., relations clients, …).
Dans l’esprit, la norme se voulait un guide pour les industriels soucieux d’améliorer leur performance, leur compétitivité, leur rentabilité… Force est de constater, compte tenu du faible niveau d’entreprises certifiées en France (29 598 certificats ISO 9001 selon l’ISO en 2013 contre 29 713 en 2010), que l’engouement initial semble s’être essoufflé. Selon le site le Journal du Net, la France comptait environ 240 000 entreprises industrielles (3 432 089 en tout) au 1er Janvier 2010, soit moins de 12% d’entreprises certifiées (29 598 / 240 000 en étant très optimiste, mais moins de 0,1% si on les considère toutes) !
La Cour des Comptes s’est d’ailleurs émue en 2013 de cet état de fait et le Ministre du Redressement Productif avait fait part de son analyse de la question : il faut sortir de la qualité procédurière pour aller vers l’Excellence Opérationnelle ! J’avais écrit, à cette époque, un billet sur ce blog pour dire à quel point je partageais son analyse.
Dans ce monde global de la Qualité, ma compétence se limite au petit secteur de la métrologie. Je l’ai découvert par hasard en 1988 (et plus précisément parce qu’il fallait que je travaille coûte que coûte dès la sortie de mes études). Assez vite, je suis arrivé à deux conclusions :
- Mes clients de l’époque ne comprenaient pas ce qu’on leur demandait et pourquoi il fallait qu’ils étalonnent leurs instruments,
- Les deux seules questions qui semblaient intéresser leurs auditeurs étaient :
- Celle concernant la justification du raccordement
- Celle concernant les inévitables dépassements de dates de ré-étalonnage
Déjà à cette époque, on était très loin de l’exigence pourtant clairement écrite dans la norme :
« L’incertitude de mesure est connue et compatible
avec l’aptitude requise en matière de mesurage »
Ainsi, il est aisé de comprendre qu’avec une étiquette de validité dont la date est calculée à partir d’une périodicité totalement arbitraire (1 an le plus souvent, le temps que met la terre à faire le tour du soleil… Quel rapport avec la dérive / usure des instruments ?) et un avis de conformité donné par rapport à une norme forcément généraliste et très probablement pas adapté à chaque cas, on est très loin du compte ! Et pourtant, depuis près de 30 ans, peu de choses ont évolué, très peu, trop peu… Voilà peut-être une raison de la désaffection des industriels pour cette histoire-là de « Qualité », sachant que la plupart de ceux qui sont certifiés le sont le plus souvent sous la contrainte…
En 1998, en créant Deltamu, l’objectif était de faire bouger les choses pour que les industriels s’intéressent enfin à la mesure, plutôt qu’aux instruments de mesure. En effet, un instrument « conforme » est une condition nécessaire à l’obtention d’une mesure fiable (donc une décision maitrisée), mais elle n’est pas suffisante. D’autant plus qu’en y regardant de près, il est rare que ce soit l’instrument qui soit le facteur le plus impactant de l’incertitude du processus de mesure. En effet, ce facteur est largement pris en charge, voire chouchouté, par les fabricants, c’est leur boulot. Pourquoi le feraient-ils mal ? En revanche, les autres facteurs (opérateurs, environnement, entité mesurée elle-même, …) sont rarement considérés alors qu’ils sont souvent très importants dans la dégradation de la qualité d’un résultat de mesure. Du coup, depuis 30 ans, c’est un peu comme si on s’évertuait à contrôler les plaquettes de frein alors que ce sont les pneus qui sont lisses ! Deltamu s’est donc lancé le défi de faire changer les choses, de proposer et de défendre « une métrologie autrement » (sa signature de marque), une métrologie efficiente, une métrologie qui s’intéresse aux facteurs importants à maitriser et pas uniquement, parfois par facilité, souvent par habitude, à l’instrument de mesure…
Malheureusement, le mot « Métrologie » est connoté, plutôt négativement. À force de la limiter aux instruments, la « Métrologie » est devenue synonyme de « Gestion d’instruments », selon le modèle proposé début 1800 par la Métrologie Légale. Si cette dernière a parfaitement réussi sa mission (garantir la loyauté des échanges commerciaux), elle a malheureusement (et à son insu) laissé croire à tout le monde, dès l’enfance, que les mesures étaient justes et qu’il suffisait, comme elle le fait, de vérifier périodiquement les instruments pour qu’il en soit ainsi. Mais l’objectif de la Métrologie Légale n’est pas celui de l’industrie. Si le boucher doit être loyal (c’est à dire qu’il n’y a pas de « triche », que les risques sont partagés équitablement entre lui et vous) lorsqu’il pèse (et facture selon le poids trouvé) le rosbif de votre déjeuner, le fabricant d’un moteur d’avion doit vous garantir le bon fonctionnement de ce dernier d’un bout à l’autre du vol dans lequel vous avez pris place… Loyauté versus Fonctionnalité, voilà des objectifs si différents qu’il ne semble pas très normal qu’ils puissent être traités de la même façon, nonobstant les pratiques passées et malheureusement encore trop actuelles !
En voyant émerger le concept de Lean Management, clairement tourné vers l’optimisation des process (efficience), j’ai saisi ce qui me semblait être une opportunité pour tenter de faire sortir la Métrologie « traditionnelle » de son quasi-carcan « culturel » en proposant, avec un nouveau nom, une nouvelle orientation affirmée vers l’efficience, c’est-à-dire le « juste nécessaire ». La « Lean Metrologie » est née ainsi. De plus, et en dehors du simple nom, de nombreux concepts du Lean Management peuvent se retrouver dans des pratiques métrologiques plus efficientes. Un long billet sur ce blog, datant de 23 mars 2013, en donnait les contours…
Mais voilà, le Lean Management est lui aussi connoté. Si d’aucuns le vénèrent comme une forme de Graal quant au management optimal des process et des hommes, d’autres le haïssent à cause de certaines dérives qu’il faut bien constater. Même si le Lean Management n’a pas pour objet de sacrifier n’importe quoi (ou qui) pour gagner quelques euros, et l’expérience Toyota en est la preuve flagrante (et pas l’unique !), certains (ceux que les « anti » appellent les Cost Killers) y ont vu une « solution » pour « dégraisser et déshumaniser » des lignes de production, sous les oripeaux de la modernité.
Je dois remercier ici l’un des « résistants » à l’expansionnisme du Lean Management, mon ami Olec Kovalevsky, pour m’avoir, en une phrase, convaincu que la Lean Métrologie n’était peut être pas une très bonne idée. En effet, et en plus de cette image qui ne fait pas l’unanimité, il s’agit d’une stratégie du XXe siècle, d’un siècle déjà passé…
Alors que se dessine l’Usine du Futur, la Smart Factory, l’Industrie 4.0, à l’heure du Big Data et de ses nouveaux outils (Datamining, Machine Learning, …), faire référence à un concept d’une autre époque, moins digitalisée, presque déjà vieille alors que le monde d’aujourd’hui est en accélération permanente, n’offre pas à la « Métrologie » tout le potentiel qu’elle mérite, tout l’avenir en lequel elle peut espérer enfin trouver sa belle et bonne place.
La Métrologie peut renaitre enfin au XXIe siècle. L’ère du Big Data est une ère de refonte totale des croyances, une remise en cause totale des a priori. La capacité d’acquisition, de stockage et d’analyse de données pour révéler les conditions optimales d’obtention de la qualité requise impose de disposer de données fiables, le plus possible représentatives de la réalité (et un instrument « conforme » n’y suffit pas !). Si, jusqu’à aujourd’hui, nos recettes empiriques ont permis de se contenter de valeurs mesurées de fiabilité inconnue (et le plus souvent médiocre), c’est simplement que les inexorables incertitudes sont prises en compte, souvent implicitement et en tous cas historiquement (on a toujours fait comme ça !) en réduisant les tolérances, en surdimensionnant les exigences pour être sûr !
Ainsi, les choses marchent aujourd’hui car elles sur-marchent, donc sur-coûtent. L’époque n’est plus à supporter cela, la Smart Factory optimisera, ou ne sera pas… Et la métrologie, elle aussi, devra changer. Elle devra sortir de son histoire séculaire pour se tourner vers un futur qui l’attend et qui l’espère. L’usine devient Smart, la Métrologie doit aussi le devenir… Deltamu, avec sa volonté jamais remise en cause de faire évoluer son métier, lance donc naturellement le concept auquel elle croit pour la métrologie autrement du XXIe siècle : la Smart Metrology !
Et je vous invite à en découvrir les principes et enjeux en vous rendant sans tarder sur le nouveau site que nous dédions entièrement à la Smart Metrology : http://www.mesuronsbienlebigdata.com/