Article
Avril
2021
Jean-Michel Pou
Président Fondateur Deltamu
Le nouveau monde 4.0 : Industrie et Métrologie convergent enfin pour atteindre l’efficience

La métrologie a subi de nombreuses révolutions depuis sa naissance. En fait, elle a toujours existé, pour des besoins liés aux déplacements, aux échanges commerciaux mais aussi, et peut-être surtout, à la curiosité de nos ancêtres quant aux phénomènes naturels qu’ils observaient. Pour toutes ces raisons, toutes les civilisations ont « fait » de la métrologie, mais de façon non coordonnée jusqu’à ce que la première révolution intervienne, concomitamment avec la révolution française. C’est en effet l’Assemblée Constituante qui a lancé et porté l’idée de concevoir un système d’unités universelles, système qui perdure encore aujourd’hui. Et puisqu’il est d’usage de donner des noms aux grands moments de notre histoire, cette révolution pourrait prendre celui d’«Eclairante ». C’est en effet grâce à elle que les sciences ont pu se développer pour atteindre le niveau actuel de compréhension générale du monde.

Dès le début du XIXème siècle, la métrologie subit une nouvelle révolution : la métrologie légale. Elle a pour mission de garantir la loyauté des échanges commerciaux, mission qu’elle a parfaitement accomplie et l’histoire le prouve. Elle est toujours active aujourd’hui, pour le plus grand bonheur des consommateurs qui n’ont plus le réflexe de douter des valeurs mesurées lors de leurs achats, contrairement à leurs aïeux qui exigeaient « un poids et une mesure » en 1789. Dans ce cadre d’une confiance accordée aux mesures établissant le coût d’une transaction commerciale, cette révolution mérite ce nom de « Bienveillante ».

La troisième révolution est intervenue, quant à elle, à la fin du XXème siècle. Elle a été engagée avec l’essor des certifications « Qualité », type ISO 9001. On peut regretter néanmoins pour celle-ci qu’elle se soit trop inspirée de son ainée qui avait si bien fonctionné. Elle en a malheureusement recopié les modalités, notamment ses vérifications à dates fixes des instruments (et leurs étiquettes vertes !). En se limitant aux instruments de mesure, cette métrologie du XXème siècle passait, en quelque sorte, à côté de l’essentiel. Une mesure est le résultat d’un processus complexe qui met en jeu un instrument, évidemment, mais également beaucoup d’autres facteurs imparfaits tels que le milieu, l’opérateur ou encore la méthode. Toutes ces imperfections se mélangent pour former l’incertitude de mesure. Mais nos contemporains, trop habitués au confort de la métrologie légale qui leur a fait oublier que les mesures ne pouvaient pas être parfaites, considèrent, dans leur vie quotidienne comme dans leur vie professionnelle, les mesures comme étant exactes. Et pour contourner, souvent de façon empirique, cette erreur d’appréciation, les exigences fonctionnelles ont été réduites dans un esprit « qui peut le plus peut le moins », (ou « au pire des cas »), esprit qui conduit à des surconsommations devenues inadmissibles dès lors que nous prenons conscience, enfin, que nos ressources ne sont pas infinies … En ce sens, cette révolution est une révolution ratée. Elle aurait dû nous faire avancer vers un bel objectif de « juste nécessaire » si nous avions respecté l’exigence initiale : « Les incertitudes de mesure sont connues et compatibles avec l’aptitude requise en matière de mesurage ». L’usage, voire les difficultés, nous ont au contraire enfermés dans une routine insupportable de gommettes vertes ou rouges et de plannings calendaires. A ce titre, elle mérite bien le nom de révolution « Piteuse » …

Avec ce qu’il convient désormais d’appeler la 4ème révolution industrielle (révolution qui conduit à l’appellation « Industrie 4.0 » ou encore « Industrie du Futur »), la métrologie va elle aussi, connaitre sa quatrième révolution, l’« Efficiente ». En effet, les nouvelles technologies, totalement disruptives dans la façon d’utiliser les données, donc les mesures, imposent une qualité bien supérieure à la « (pseudo) qualité » précédente qui était, en quelque sorte, « couverte » par des sur-exigences. Les pionniers du Big Data, socle de l’Intelligence Artificielle, ont compris que les données pouvaient devenir le pétrole du XXIème siècle sous réserve qu’elles soient de variétés différentes, en grand volume, que les calculs aillent vite (vélocité) et, surtout, que les données soient fiables (véracité). Dans ce nouveau monde, les incertitudes inhérentes à chaque mesure ne doivent pas être simplement connues. Elles doivent être optimisées (correction si nécessaire, maitrise des dispersions et surveillance permanente des dérives et/ou des accidents toujours possibles) et utilisées, le cas échéant, pour améliorer la qualité d’une mesure.

Ainsi convergent, comme un signe des temps, les révolutions industrielles et « métrologie ». Cette convergence tend vers l’optimisation des pratiques, donc l’optimisation de l’utilisation des ressources. En même temps que la technologie évolue vers de nouvelles capacités de calculs pour mieux comprendre les phénomènes, la métrologie doit assumer le rôle qu’elle aurait toujours dû avoir : garantir au quotidien la fiabilité des mesures. Ce n’est qu’à ces deux conditions essentielles que nous bénéficierons collectivement de stratégies plus efficientes pour produire tout ce dont nous avons besoin pour vivre sur cette planète magnifique, mais limitée !

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