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Etablir la traçabilité dans des conditions difficiles

Le Collège Français de Métrologie a lancé un groupe de réflexion sur cette problématique qui, dans certains cas, pose de véritables problèmes.

Si, dans le monde des unités traditionnelles, le raccordement des instruments de mesure à la chaine d’étalonnage est une opération classique, il existe des cas où la justification du raccordement n’est pas aisé. La traçabilité s’en trouve, par conséquent, délicate à démontrer.

En effet, comment peut-on procéder pour les mesures qui ne sont pas réalisées dans le système international d’unité ou, par exemple, lorsqu’il n’y a pas d’étalons de référence pour procéder à l’étalonnage. En métrologie dimensionnelle, les cales sont d’un usage classique mais comment raccorder un Laser Tracker qui réalise des mesures sur des étendue sur plusieurs dizaines de mètres ?

Les termes « raccordement » et « traçabilité » ne sont pas toujours clairs dans l’esprit de chacun .Je dois d’ailleurs reconnaitre qu’ils ne le sont pas forcément dans le mien. Un grand merci à Marc PRIEL, Directeur Honoraire de la Métrologie au LNE et animateur du groupe de travail, qui précise que la « traçabilité » est la caractéristique d’un résultat de mesure alors que le « raccordement » est une notion qui s’applique à un instrument de mesure, dans le cadre de son étalonnage. On peut rappeler la définition officielle du VIM 3 :

2.41 traçabilité métrologique, f

Propriété d’un résultat de mesure selon laquelle ce résultat peut être relié à une référence par l’intermédiaire d’une chaîne ininterrompue et documentée  d’étalonnages dont chacun contribue à l’incertitude de mesure.

NOTE 1 La référence mentionnée dans la définition peut être une définition d’une unité de mesure sous la forme de sa réalisation pratique, une procédure de  mesure, qui indique l’unité de mesure dans la cas d’une grandeur autre qu’une grandeur ordinale, ou un étalon.

NOTE 2 La traçabilité métrologique nécessite l’existence d’une hiérarchie d’étalonnage.

NOTE 3 La spécification de la référence doit comprendre la date où cette référence a été utilisée dans l’établissement d’une hiérarchie d’étalonnage, ainsi que d’autres informations métrologiques pertinentes concernant la référence, telles que la date où a été effectué le premier étalonnage de la hiérarchie.

NOTE 4 Pour des mesurages comportant plus d’une seule grandeur d’entrée dans le modèle de mesure, chaque valeur d’entrée devrait être elle-même métrologiquement traçable et la hiérarchie d’étalonnage peut prendre la forme d’une structure ramifiée ou d’un réseau. Il convient que l’effort consacré à établir la traçabilité métrologique de chaque valeur d’entrée soit proportionné  à sa contribution relative au résultat de mesure.

NOTE 5 La traçabilité métrologique d’un résultat de mesure n’assure pas l’adéquation de l’incertitude de mesure à un but donné ou l’absence d’erreurs humaines.

NOTE 6 Une comparaison entre deux étalons peut être considérée comme un étalonnage si elle sert à vérifier et,si nécessaire, à corriger la valeur et l’incertitude attribuées à l’un des étalons.

NOTE 7 L’ILAC considère que les éléments nécessaires pour confirmer la traçabilité métrologique sont une chaîne de traçabilité métrologique ininterrompue à un étalon international ou un étalon national, une incertitude de mesure documentée, une procédure de mesure documentée, une compétence technique reconnue, la traçabilité métrologique au SI et des intervalles entre étalonnages (voir ILAC P-10:2002).

NOTE 8 Le terme abrégé «traçabilité» est quelquefois employé pour désigner la traçabilité métrologique, ainsi que d’autres concepts tels que la traçabilité d’un spécimen,d’un document, d’un instrument ou d’un matériau, où intervient l’historique (la trace) d’une entité. Il est donc préférable d’utiliser le terme complet «traçabilité métrologique» s’il y a risque de confusion.

Le mot « raccordement » n’est, quant à lui, pas défini dans le VIM3 mais il est d’usage commun pour évoquer le fait qu’un instrument a était étalonné par comparaison à un étalon qui a lui-même été étalonné à un étalon supérieur et ainsi de suite jusqu’à la comparaison ultime à la matérialisation de l’unité de référence. Il s’agit ici d’une justification documentaire, avec quelques contraintes (Voir note 7 ci-dessus notamment).

On peut également rappeler, en plus de la définition du VIM3, que le fascicule de documentation AFNOR FD X 07-015 « (…) la participation à des comparaisons inter laboratoires constitue une alternative métrologiquement acceptable » pour assurer le raccordement des moyens de mesure (Raccordement des résultats de mesure au système international d’unités SI. Août 2007.Paragraphe 6.1.2).

Note : on notera la subtilité dans le titre même de la norme qui parle de raccordement des résultats alors qu’il semblerait, suivant le VIM3, que nous devrions parler de traçabilité…

Je suis inscrit à ce groupe de travail car je pense qu’il est très important que les industriels puissent trouver des solutions pragmatiques à cette problématique (traçabilité d’un résultat) qui est trop souvent limitée, dans les audits, à la justification du raccordement des instruments de mesure (les fameux certificats !). La métrologie progressera quand elle saura adaptée les efforts de justification des résultats en fonction de l’importance relative des chaque contributeur à l’incertitude de mesure (Cf, par extrapolation, à la note 4 ci-dessus). Un instrument aux caractéristiques métrologiques « de qualité » est une condition nécessaire, mais surement pas suffisante, pour assurer un résultat de mesure de qualité, un résultat traçable ! Si d’autres facteurs sont plus importants, c’est d’eux qu’il faut s’occuper, et pas de l’instrument ! Rien ne sert de changer ses plaquettes de frein si les pneus sont lisses, c’est du bon sens !

Pour finir, les « conditions difficiles » évoquées dans le titre ne sont pas uniquement « métrologiques ». Elles peuvent également être « logistiques ». J’ai en tête quelques exemples où le raccordement des instruments de mesure impose des démontages qui peuvent être préjudiciables. Au delà des démontages, l’immobilisation des moyens est aussi, très souvent, pénalisante pour l’entreprise. L’idée est donc de proposer des solutions qui évitent ce type de désagrément et les comparaisons inter-instruments (C.2.I, telles que je propose de les nommer) sont probablement une solution efficace, économique et très pertinente… Je vais tacher de les défendre au sein de ce groupe et je vous tiendrai informé sur ce blog, ainsi que sur le forum de discussion que j’anime sur VIADEO (Pour une métrologie autrement).

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