Qui sont les interlocuteurs du Métrologue dans l’entreprise ?
Le rôle dévolu au métrologue d’entreprise se limite souvent au recensement des instruments de mesure et au suivi de leurs interventions périodiques, le plus souvent limitées aux étalonnages/vérifications.
Je viens de lancer une discussion dans le groupe « Pour une métrologie différente… » sur Viadeo : Qui sont les interlocuteurs du métrologue dans l’entreprise et leurs attentes ? (discussion)
Dans le cadre de ma collaboration avec la revue Contrôles Essais Mesures, nous co-écrivons une série d’articles avec Frédéric Authouard, métrologue passionné de techniques et de relations humaines, auteur du livre « La Métrologie, mais c’est très simple » et créateur de l’entreprise Crisalis.
Cette série d’une dizaine d’articles permettra de faire le point la mission du métrologue dans l’entreprise, telle qu’elle est organisée aujourd’hui mais aussi, et peut être surtout, telle qu’elle pourrait (devrait?) être… Ces articles seront l’occasion de préciser ce qu’est, dans mon esprit, la Lean Métrologie, dont je parle de plus en plus souvent…
Dans le premier article, à paraitre en septembre, j’ai écrit les mots suivants sur les interlocuteurs du métrologue, tels que je les vois :
La Direction de l’entreprise :
Lorsqu’elle est limitée à la gestion des vérifications métrologiques des instruments de mesure, la Métrologie est perçue comme un centre de coûts, indispensables mais improductifs. Le métrologue doit expliquer son métier à sa hiérarchie qui ne le connaît pas forcément. Mettre en avant les risques inhérents à l’inéluctable incertitude associée à chaque mesure et expliquer que le rôle du métrologue est de quantifier ces risques sont autant d’arguments qui lui permettront de revaloriser sa mission au sein de l’entreprise.
Les utilisateurs des instruments au sein de l’entreprise :
L’entreprise possède des instruments de mesure parce qu’elle a besoin de données pour prendre des décisions. Le métrologue doit s’intéresser auxdites données, leur contexte, leur raison d’être, leur utilisation avant de considérer l’instrument qui fait partie du processus qui les produit. Le métrologue doit être le garant, non pas de la conformité d’un instrument de mesure à une norme généraliste, mais de l’adéquation entre la qualité des données et leur utilisation. Il s’agit donc de s’assurer que les risques associés aux décisions sont maitrisés. Si l’étalonnage/vérification des instruments de mesure participe à la maitrise de ce risque, l’accompagnement des utilisateurs (Formation, évaluation, sensibilisation aux facteurs d’influence, …) est probablement plus fondamental encore ! Le métrologue doit absolument s’attacher à remplir cette mission, elle est indispensable au bon fonctionnement, non pas du service Métrologie de l’entreprise, mais de l’entreprise elle-même !
Les clients de l’entreprise :
Pour se développer, l’entreprise a besoin de conserver ses clients et d’en conquérir chaque jour de nouveaux. La satisfaction desdits clients est donc essentielle. Elle passe évidemment par la pertinence des décisions qui sont prises, donc par la qualité des mesures. Le métrologue doit se sentir directement concerné par la satisfaction des clients. Cet objectif doit être son véritable moteur pour ses missions quotidiennes auprès de la production et de la qualité.
Les fournisseurs de l’entreprise :
L’entreprise ne peut pas se passer de ses partenaires pour satisfaire ses propres clients. Le métrologue intervient là aussi, non seulement pour s’assurer de la conformité des éléments sous-traités, mais aussi pour accompagner les fournisseurs vers la maitrise de leurs propres productions. Le partage des bonnes pratiques, l’échange d’informations permettant d’avancer sur le chemin de l’amélioration et l’entretien des bonnes relations sont des principes auxquels le métrologue a beaucoup d’intérêt à s’associer. Le doute inhérent au métier même du métrologue, dans sa mission de « contrôleur », doit lui imposer de la modestie quant à ses positions. Le fameux principe vieillissant « Le client a toujours raison » doit donc faire place à la discussion et à la recherche de solutions pérennes, garantes des progrès de chacun.
Les auditeurs « Clients » et « Tierce-Partie »
Les audits sont des moments importants pour l’entreprise. Il s’agit pour elle de démontrer qu’elle est digne de confiance. Or, la confiance est un élément parfois subjectif, elle dépend de la perception de chacun d’une situation donnée. Evidemment, elle peut s’appuyer sur des éléments factuels et les habitudes prennent ici toutes leurs importances, même si certaines ne sont pas si positives qu’elles ne le semblent. Il est normal (humain) de se sentir en confiance en milieu connu (la gestion périodique de vérifications métrologiques par rapport à des normes par exemple) et c’est pourquoi les évolutions, dans les pratiques, peuvent être difficiles. Pour inspirer confiance, il est impératif d’avoir soi-même confiance. Le métrologue doit donc d’abord se convaincre avant de convaincre. Une fois convaincu que sa mission ne doit pas se limiter à la simple vérification des instruments de mesure, le métrologue devra faire l’effort de se former pour comprendre et maitriser les outils à sa disposition (Evaluation des incertitudes, capabilité, comparaisons inter-laboratoire, optimisation des périodicités, mises en œuvre des surveillances, …). Une fois cette compétence acquise, l’épreuve redoutée des audits se transformera en un moment d’échanges productifs permettant (enfin) à chacun, auditeurs comme audités, de progresser.
Dans la pratique du Lean, ces acteurs représentent le « genba » du métrologue. Cette réflexion autour des interlocuteurs et de leurs attentes est un premier pas vers une métrologie différente, une métrologie qui prend conscience de son véritable rôle, une métrologie qui retrouve toute sa dimension technique, une métrologie qui crée de la valeur ajoutée… la Lean Métrologie !
En plus de tous ces acteurs du quotidien, le Métrologue a également un rôle à jouer vis à vis de la société. En effet, il peut (doit?) participer à la remise en cause permanente et nécessaire des exigences formulées par ses interlocuteurs dans l’esprit du « juste nécessaire ». Il ne suffit plus de faire des produits « conformes », il faut qu’ils soient dimensionnés « au plus juste » pour ne pas, ni surcouter (compétitivité), ni surconsommer de ressources (développement durable), en tout cas je le crois…