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J’ai mal à la Métrologie…

J’ai vécu cette semaine encore une expérience assez frustrante que je souhaite partager. J’ai animé un stage de formation, sur trois jours, dont l’objectif était de décrire des stratégies d’optimisation de la « Métrologie », comme on dit habituellement.

J’avais face à moi des personnes volontaires et passionnées par leurs métiers qu’ils pratiquent depuis plus de 10 ans. Comme beaucoup de Métrologues industriels, ils ont quasiment tout appris « sur le tas », souvent au fil des audits et des exigences des auditeurs. On peut effectivement souvent constater que les formations « Métrologie » s’articulent souvent autour des exigences normatives avec, principalement, les questions qui tournent autour de la traçabilité, de la conformité administrative des étalonnages (justification du raccordement des étalons utilisés en tête) et du respect de dates d’étalonnage, choisies pourtant souvent arbitrairement, sans vraiment de justification.

Je me souviens, sur ce thème, d’un épisode qui m’a marqué. Il a eu lieu au cours d’une réunion plénière de la commission Afnor X07b (Métrologie). Alors que je m’inquiètais de n’avoir eu que quatre (4 !!!) inscrits dans une conférence « témoignage » (Métrologie et Six Sigma, témoignage autour de l’optimisation de la gestion d’un parc de micro-pipettes ici) organisée dans le cadre du salon SYSQUAL (en plein boum de la démarche Six Sigma) qui faisait intervenir le responsable Métrologie de l’un des leaders mondiaux du vaccin, on me répondait qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter car, la semaine précédant cette réunion, le Collège Français de Métrologie avait réuni 70 personnes pour une journée technique. Sujet de la journée : « Comment répondre aux questions des auditeurs ». On voit clairement ici que nous ne parlions pas de la même Métrologie…

Pour revenir à mes stagiaires de la semaine (merci à eux pour ce bon moment, s’ils me lisent), je dois reconnaitre que malgré toute leur bonne volonté, j’ai souvent vu dans leurs yeux, comme dans les yeux des nombreux stagiaires que j’ai pu croiser dans mes fréquentes formations, presque de l’effroi ! Par moment, et je me mets à leur place, ils ont du penser que le ciel allait leur tomber sur la tête…

En effet, il n’est pas aisé de trouver le temps, quand le quotidien du métier est surtout orienté « Respect des sacro-saintes dates d’étalonnage », de se former aux outils qui doivent, pourtant, être parfaitement maitrisés pour comprendre et mettre en œuvre les évolutions des normes techniques du métier.

La Métrologie – Science des Mesures – n’est pas limitée à la gestion administrative d’un parc d’instruments de mesure. La gestion de la qualité métrologique des instruments est l’une des facettes, mais « la Métrologie » doit aussi, et surtout, permettre de connaitre/garantir/maitriser la qualité des mesures réalisées dans l’entreprise afin que les décisions prises sur la base de mesures (Acceptation de lots fournisseurs, Suivi de Process, Libération des produits finis, …) soient maitrisées en terme de risque(s). Cet aspect (essentiel à mon sens) du métier passe par une connaissance assez pointue des outils statistiques. Le Métrologue devrait, en théorie, pratiquer au quotidien cette science des phénomènes aléatoires auxquels il est confronté en permanence. Après quelques années de pratique, cette façon de penser devrait être devenue naturelle alors que, malgré près de 20 ans de certification Qualité pour certains, force est de constater que nous sommes encore loin de cette base essentielle du métier !

Dès lors, comment expliquer, sans effrayer, les conséquences de l’évolution de la définition du mot « Etalonnage » dans le nouveau VIM (et l’ensemble des calculs statistiques relativement compliqués à conduire désormais) ou encore le guide 98-4 traitant des risques Client et Fournisseur à l’aide de calculs de double intégrales… Si des instruments de bonne qualité sont une condition nécessaire à des mesures de qualité, ce n’est pas, mais alors vraiment pas, une condition suffisante !!! La Métrologie doit considérer l’ensemble des facteurs qui participent à la qualité des mesures (Opérateurs, environnement, objets mesurés, …)  et pas seulement les instruments. Les auditeurs doivent en prendre conscience. Ils sont chargés de vérifier que les entreprises sont en mesure de progresser. Alors qu’ils s’en donnent les moyens plutôt que de limiter leurs « inspections » (audits) aux seules étiquettes vertes…

Comme cette question me tracasse vraiment, j’ai cherché « une image » qu’un patron d’entreprise pourrait comprendre pour imaginer ce que pourrait devenir sa « Métrologie » s’il prenait conscience du potentiel d’amélioration que cache ce métier souvent mal pratiqué.

En se limitant à la gestion d’un parc d’instruments, le Métrologue joue le rôle du comptable de l’entreprise. Ce dernier doit enregistrer les données financières dans des logiciels (Facture Fournisseurs, Facture Clients, Arrêt maladie du personnel, congés payés, RTT, …), préparer les déclarations (Fiscales, URSSAF, …), gérer la paie, gérer les flux financiers (Paiement des factures, encaissements et relance Clients, …),  préparer les contrôles (Classer pour être en mesure de sortir les papiers que l’inspecteur lui demande, répondre aux questions dudit inspecteur , …). Il s’agit d’un véritable travail de gestion, indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise/ Mais il ne participe pas à l’évolution stratégique, au « devenir » de l’entreprise. Il la subit et il l’accompagne. Il est indispensable au quotidien, mais n’influe pas, ou peu, sur l’avenir…

En revanche, l’expert comptable a un rôle très différent. Il est lui aussi responsable devant les contrôles (fiscaux, sociaux) car il a participé à la stratégie mais il a surtout un rôle de conseil et de prévision. Il doit savoir lire dans les chiffres que le comptable a enregistré, il doit détecter des anomalies révélant d’éventuels dysfonctionnements, il doit se tenir informé en permanence des toutes les évolutions de façon à faire profiter à l’entreprise des nouvelles opportunités, de lui permettre de s’adapter aux nouvelles règles. Pour faire simple, il a un rôle prépondérant dans la stratégie et l’avenir de l’entreprise car il sait, il comprend, il voit vers quel avenir l’entreprise se dirige et permet donc, si nécessaire, de corriger…

Vous l’aurez compris… Le rôle du Métrologue d’aujourd’hui ressemble plus (+) à celui du comptable qu’à celui de l’Expert Comptable mais la similitude s’arrête ici. En effet, toutes les entreprises ont des experts comptables car ils sont INDISPENSABLES. En revanche, et curieusement, ils n’ont que très rarement des Experts Métrologues. L’histoire a voulu que les mesures ne soient plus réellement un centre d’intérêt, un axe de progrès. Dans l’inconscient collectif, elles sont justes (depuis 1837 et la création su Service des Poids et Mesures) et le Métrologue participe de cette « justesse ». L’histoire s’arrête ici, pour beaucoup…

Mais heureusement, tel n’est pas le cas en réalité. Le sujet des incertitudes de mesure est de plus en plus souvent évoqué et ne pourra plus longtemps rester sans effet sur les directions d’entreprises. Le Métrologue, s’il le souhaite, peut donc devenir l’Expert Métrologie dont l’entreprise a besoin, sans le savoir explicitement aujourd’hui. Il doit trouver le temps d’acquérir la compétence nécessaire car les outils existent. Il faut seulement apprendre à les utiliser mais pour cela, il faut le vouloir ! Le temps nécessaire peut également se trouver car la gestion actuelle d’un parc d’instruments peut, sans aucun doute, être optimisée. Chaque étalonnage de moins à faire représente du temps disponible pour apprendre… Je reviendrais rapidement sur ce sujet pour proposer une stratégie « générique » que chaque métrologue pourrait mettre en œuvre pour avancer vers le poste d’Expert Métrologie, s’il le convoite, et être reconnu tout comme l’expert comptable l’est !

La Métrologie sait quand, combien et pourquoi, donnez vous les moyens de savoir comment !

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