Article
Septembre
2019
Jean-Michel Pou
Président Fondateur Deltamu
FD X07-041 : La fin d’une rente ….

La « Qualité », au sens où nous l’entendons tous, est née au début des années 1990, avec « l’ISO 9000 ». Il s’agissait, pour les entreprises, de se conformer à un certain nombre d’exigences décrites dans la norme afin d’obtenir le fameux certificat souvent fièrement affiché à l’accueil des entreprises qui avaient fait cet effort…

Beaucoup de « métiers nouveaux » sont nés avec cette dynamique « Qualité » : les consultants, les auditeurs mais aussi les étalonneurs. L’informatique faisait alors tout juste son apparition dans le monde des PME et sont naturellement apparus les éditeurs de logiciels, que ce soit dans le cadre de la gestion des documents électroniques, dont le Manuel Qualité et les procédures, (GED), la gestion des anomalies (AMDEC), la Maîtrise Statistique des Procédés (MSP/SPC) et bien sûr la Gestion des Moyens de Mesure (GMM).

Deltamu s’est créée également dans le champ de la Qualité mais avec une approche différente, née d’une longue et riche expérience acquise au sein d’un grand laboratoire d’étalonnage qui œuvrait à l’époque, et qui œuvre encore aujourd’hui, dans une démarche qui perdure contre toute logique : l’étalonnage périodique calendaire des instruments de mesure … Comment appeler « gestion » une opération qui consiste à fixer arbitrairement une prochaine date de vérification (GMM) sans tenir compte, ni du contexte, ni des risques !?

 » … mais on fait tous comme ça depuis près de 30 ans ! »

Pourtant, ceci est contre toute logique, et nous pouvons aisément l’affirmer et le justifier ! Qui, en effet, peut, après 30 ans de pratique, démontrer un intérêt quelconque à des opérations de vérifications périodiques (en dehors de faire plaisir à un auditeur) qui, de toutes les façons, se soldent par un échec :

  1. « CONFORME » : L’industriel qui paye l’opération a étalonné trop tôt, inutilement … Il a donc engagé un coût parfaitement inutile qui grève sa compétitivité ;
  2. « NON CONFORME » : L’industriel qui paye l’opération a étalonné trop tard … Ainsi, malgré sa gestion des instruments de mesure conforme aux pratiques historiques, c’est à dire en fixant, arbitrairement le plus souvent et sur des bases calendaires, il lui faut gérer une étude d’impact et des conséquences industrielles chez ses clients qui peuvent conduire à sa perte …

PS : On n’évoque pas ici, et c’est pourtant important, toutes les conséquences des erreurs de décision liées à la vérification des instruments de mesure : déclarer « Conforme » un instrument réellement non conforme et les conséquences que cela peut avoir ou déclarer « non conforme » des instruments qui sont réellement conformes.

Voilà plus de vingt ans que Deltamu plaide (avec des arguments suffisamment pertinents pour convaincre la commission métrologie de l’AFNOR et être à la base du fascicule FD X07-014 de 2006) pour des périodicités optimisées, qui répondent à chaque contexte, et ne soient donc plus fixées sur des périodes calendaires.

Cependant, et même avec des périodicités optimisées, les accidents sont toujours possibles et nous ne nous sommes jamais satisfaits, chez Deltamu, d’avoir trouvé des méthodes, certes objectives, pour calculer des périodicités. Certaines sont plus performantes que d’autres, notamment celle qui consiste à évaluer la dérive maximale qu’un instrument d’une famille donnée peut subir (cas où nous pouvons modéliser les dérives car les incertitudes d’étalonnage sont faibles devant le comportement. C’est le cas, notamment, des calibres à limites et des étalons en général : masses, shunts, cales, bagues lisses, …) mais aucune ne peut prévoir l’accident qui, lui, reste toujours possible. Si l’instrument subit un dommage inattendu, doit-on vraiment se résoudre à devoir attendre sa prochaine date d’étalonnage, arbitraire ou non, pour s’en rendre compte et agir enfin ??? Bien sûr que non !

Aucun chef d’entreprise ne peut accepter de mettre ses clients en danger à cause d’un accident survenu sur l’un de ses instruments de mesure, accident dont il est légalement responsable des conséquences s’il survient. Il doit garantir la sécurité de ses clients, pour assurer celle de ses collaborateurs !

Les vérifications périodiques sont, en ce sens, totalement contre-productives ! Elles sont coûteuses et ne permettent pas, la plupart du temps, d’anticiper un comportement. Elles permettent encore moins de deviner la date de survenance d’un accident (alors qu’elles peuvent laisser penser le contraire dans l’esprit d’un béotien, par exemple le chef d’entreprise qui ne regarde cela, en général, que de loin, voire de très loin) !

Il est grand temps de sortir de ce modèle nuisible qui ne prévient en aucun cas les problèmes possibles. Publié cet été, le fascicule FD X07-041 « Surveillance des instruments de mesure – Les comparaisons-inter-instruments (C.2.I) – Conditions de mises en œuvre et limites d’application » est un outil qui permet d’envisager les choses de façon différente, pertinente et efficace. Il est une clé pour sortir des étalonnages périodiques et mettre ainsi fin à cette rente qu’ils représentent pour les étalonneurs (et corrélativement le coût pour leurs clients) …

« Vérifier » suppose « Étalonner », « Étalonner » suppose « Étalons » et, depuis 1994, « Étalonner » suppose aussi « Accréditation COFRAC ». Cette succession de suppositions induit une véritable compétence et justifie un coût, un délai, des acteurs spécialisés. Mais, à bien y réfléchir, a-t-on besoin de tout cela pour savoir qu’un instrument ne raconte pas de bêtises ?  Les laboratoires d’étalonnage se targuent, en quelque sorte, d’assurer le raccordement des instruments de mesure. En réalité, c’est assez peu fréquent(1). En fait, ils se contentent le plus souvent de vérifier que le fabricant de l’instrument de mesure a bien travaillé (lorsque l’instrument est neuf) ou que l’instrument n’a pas dérivé (lorsqu’il a été utilisé).

Ce n’est donc pas par hasard que des balances différentes donnent « à peu près » la même valeur d’un objet parfaitement inconnu. Ce n’est pas grâce aux étalonneurs non plus. Ce sont les fabricants des balances qui ont fait en sorte que lesdites balances sont raccordées, c’est à dire qu’elles sont « d’accord » sur la valeur de l’unité (le SI, les multiples et les sous-multiples) dans laquelle elles mesurent. Puisque tous les fabricants ont la même référence internationale (merci au SI !), il est normal que les balances donnent sensiblement la même valeur d’un même objet (aux incertitudes près). Les étalonneurs n’ont rien à voir là-dedans (sauf lorsqu’ils étalonnent les étalons des fabricants de balances…) !

Le FD X07-041 repose exclusivement sur cette remarque de bon sens. Si j’ai la chance (ce qui est fréquent) d’avoir plusieurs instruments qui sont utilisés, au quotidien, l’un pour l’autre dans l’activité de mon entreprise, je peux vérifier moi-même, sur quelques entités de ma propre production (et pas sur des étalons coûteux), que lesdits instruments donnent « statistiquement » (et répètent de façon similaire) la même valeur pour chaque entité inconnue. Pourquoi, en effet, diraient-ils tous la même bêtise s’ils sont indépendants ?

Les étalonneurs expliqueront probablement que ça ne suffit pas et ils auront parfois raison… Mais que font-ils de mieux lorsqu’ils mesurent, dans des conditions de référence différentes des conditions industrielles, des étalons quasi-parfaits qui n’ont rien à voir avec le quotidien de l’entreprise ? Ils nous disent que tout va bien dans leur monde parfait, mais qu’en est-il dans le vrai monde, dans celui qui produit les entités livrées aux clients et censées les satisfaire ?

En terme de risque industriel, et parce que c’est bien de cela dont on devrait parler, leurs procédures sont-elles réellement plus dignes de confiance que des C.2.I (Comparaison Inter-Instruments) faites sur des objets du quotidien, dans les conditions du quotidien, avec les opérateurs du quotidien ? A quoi cela sert-il de se faire peur en pensant que nos plaquettes de frein sont « non conformes » quand elles sont testées sur une piste macadam aux conditions parfaitement maîtrisées et que je roule, au quotidien, sur des chemins de terre boueux ?

Chez Deltamu, nous insistons depuis longtemps sur le fait que les métrologues doivent avant tout maîtriser la science statistique. Les C2I utilisent beaucoup ces outils. Détecter une valeur étrange (donc un instrument douteux) dans un ensemble de valeurs est une vraie compétence à développer. Le métrologue a tout à gagner à intégrer cette compétence qui devrait être au cœur de son activité. Nous portons avec enthousiasme la « Smart Metrology », dont la base est totalement statistique, car seules les statistiques permettent de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Dans notre esprit, une vraie gestion des instruments de mesure passe donc naturellement par la mise en œuvre des C2I (ou tout autre méthode de surveillance, c’est à dire des méthodes capables de détecter une anomalie au plus près de sa survenance) pour sortir enfin des plannings « façon XXème siècle » !

Pour schématiser, un métrologue « FDX 07-041 » n’a pas le rôle d’un magasinier qui fait le tour des tiroirs de l’usine pour trouver les instruments qu’il faut, suivant ce fameux planning arbitraire, envoyer à l’étalonnage. Il fait bien sûr le tour des tiroirs mais il le fait pour trouver les instruments afin de faire quelques mesures sur des entités propres à l’entreprise, puis traiter lesdites mesures suivant les préconisations du FD X 07-041 (tests statistiques), détecter des instruments douteux et n’envoyer que les douteux en étalonnage (ce qui réduit considérablement la taille des cartons et des factures !). Les autres, réputés identiques entre-eux, n’ont pas besoin d’une validation extérieure. Le métrologue s’inscrit dans ce cas dans un rôle qu’il aurait toujours dû avoir : détecter des anomalies et, en cas de doute, faire étalonner pour voir s’il a, ou non, raison de douter … On entre ici dans une nouvelle pratique : les périodicités conditionnelles.

Conclusion

Les métrologues sont désormais responsables de leur sort. Ils peuvent choisir de continuer à faire plaisir aux auditeurs et indirectement aux étalonneurs. Ils peuvent aussi choisir de privilégier leur intérêt personnel, celui de leurs collègues et celui de leur entreprise, les trois étant liés. Ils ont, avec le fascicule FD X 07-041, un outil qui leur permet d’être plus pertinents, d’être plus performants, d’être plus … efficients.

En privilégiant les surveillances qui détectent plutôt que les vérifications qui constatent, ils engagent leurs entreprises dans une forme de modernité : la prévention des problèmes plutôt que leurs corrections ! Et tout cela sous le couvert d’une norme (ou plus exactement d’un fascicule). Dès lors, où serait le problème de changer de pratique désormais ?

1 : Si les laboratoires respectaient le VIM de 2008 (plus de 10 ans !), on pourrait dire qu’ils raccordent les instruments de mesure en donnant la relation entre « valeur indiquée » et « valeur vraie », la partie 2 de l’étalonnage suivant le VIM. Sans faire ce travail pourtant facilité par les travaux du CFM notamment, les laboratoires se contentent de constater …

 

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