La norme (Partie 2/2)
Je fais suite à mon post de la semaine passée sur le sujet des normes. Un bon exemple va permettre de bien comprendre la « mécanique » des commissions de normalisation.
L’U.N.M (Union de Normalisation de la Mécanique) a produit la norme NF E 11-091 (Mars 2013) : Spécification géométrique des produits (GPS) — Instruments de mesurage dimensionnel — Réception et vérification des pieds à coulisse et il est intéressant d’en connaître les motivations…
Cette norme est une norme française homologuée car elle a fait l’objet d’une enquête publique. Elle s’appuie sur la norme internationale NF EN ISO 13385-1 (09/2011) : Spécification géométrique des produits (GPS) – Équipement de mesurage dimensionnel Partie 1 : Pieds à coulisse; caractéristiques de conception et caractéristiques métrologiques.
Nonobstant les exigences de la norme NF EN ISO 14978 (Octobre 2006): Spécification géométrique des produits (GPS) Concepts et exigences généraux pour les équipements de mesure GPS, la commission française s’est autorisée à enfreindre les accords internationaux. Elle a fixé des Erreurs Maximales Tolérées bien que la norme NF EN ISO 14978 l’interdise :
5.1.2 Normes
Les caractéristiques de conception principales et significatives font l’objet d’une normalisation dans les Normes ISO GPS spécifiques relatives à chaque type d’équipement de mesure.
Pour des raisons d’interchangeabilité, cette normalisation doit se limiter aux caractéristiques de conception principales les plus significatives afin de ne pas freiner le développement des technologies de mesurage et des équipements de mesure.
Les Normes ISO spécifiques qui concernent chaque type d’équipement de mesure peuvent utiliser deux niveaux/options de caractéristiques de conception:
- faire établir par le fabricant/fournisseur une liste des caractéristiques de conception qui doivent être clairement déclarées en indiquant dans la mesure du possible les valeurs nominales;
- établir une liste des caractéristiques de conception et des valeurs associées et/ou des valeurs limites de tolérance à normaliser.
NOTE Il s’agit du seul cas pour les normes futures où les valeurs des caractéristiques et des tolérances sont normalisées par les Normes ISO GPS des équipements de mesure spécifiques.
La note est ici très explicite. Les tolérances ne peuvent être normalisées que lorsqu’il s’agit des caractéristiques de conception. Cette exigence est par ailleurs confirmée donc que le paragraphe 6.1.2 : Normes relatives aux instruments de mesure) :
(…) Exception faite de quelques exemples (c’est-à-dire l’ISO 1938[1] et l’ISO 3650[3]), les normes relatives aux équipements de mesure spécifiques doivent exclure toutes valeurs numériques des MPE et des MPL en comportant toutefois des tableaux vides dédiés aux valeurs de MPE et de MPL, qui serviront de lignes directrices ou de canevas à l’utilisateur de la norme. Les valeurs numériques pour les MPE (et MPL) seront normalement spécifiées par le fabricant, dans le cas d’essais de réception, et par le fabricant, dans le cas d’essais de vérification périodique.
En règle générale, lorsqu’il s’agit de démontrer la conformité ou la non-conformité aux valeurs de MPE ou de MPL déclarées et/ou choisies, les règles de l’ISO 14253-1:1998 s’appliquent.
Note : il semblerait qu’une petite erreur se soit glissée dans la dernière phrase du premier paragraphe. Le fabricant définit des valeurs numériques pour les essais de réception mais c’est bien évidemment l’utilisateur (et non le fabricant) qui doit les fixer pour les vérifications périodiques…
Devant cette exigence, les prestataires ne peuvent qu’être ennuyés car il n’est en général pas simple de disposer des Erreurs Maximales Tolérées (E.M.T) dont l’utilisateur a besoin. La détermination de ces E.M.T impose d’avoir réalisé un calcul d’incertitude dans lequel toutes les composantes ont été évaluées et la part laissée à l’instrument (l’E.M.T), eu égard aux autres facteurs, déterminée.
Pour simplifier la tâche de vérification qui leur est confiée, les prestataires ont intérêt à disposer de limites « universelles ». La norme devient alors un bon endroit pour les fixer, compte tenu de son caractère quasi-biblique, tant pour les utilisateurs que pour les auditeurs…
Ainsi, la norme française qui vient de paraître propose des E.M.T pour les caractéristiques métrologiques principales. Lesdites valeurs sont données dans le tableau ci-dessous :
Ces valeurs sont établies pour que le prestataire puisse, malgré ses incertitudes d’étalonnage, déclarer la conformité conformément à la norme ISO 14253-1(1998), tel qu’exigé (en règles générales) dans la note du paragraphe 6.1.2 citée ci-dessus.
De ce fait, un pied à coulisse de capacité maximale de 300 mm déclaré « Conforme » suivant la norme NF E 11-091 (2013) aura son « Erreur Maximale Tolérée »inférieure à 0,060 mm et sa fidélité inférieure à 0,050 mm.
Sans tenir compte d’autres facteurs d’incertitude s’exprimant lors de son utilisation, et en appliquant les règles générales du G.U.M dans le cadre d’une vérification pour l’évaluation de l’incertitude, on pourra calculer :
En effet, la fidélité est donnée sous forme d’écart-type. Le terme est par conséquent pris directement dans le calcul. En considérant les règles habituelles en matière de capabilité, on peut écrire que la tolérance minimale qu’un pied à coulisse « Conforme » suivant la norme française est égale à :
Avec un coefficient C égal à 4 (comme préconisé dans l’ancienne norme NF E 02-204), on obtient une tolérance minimale vérifiable de 0,480 mm.
De ce fait, un Pied à Coulisse Conforme suivant cette nouvelle norme est capable de vérifier, au mieux (car toutes les causes d’incertitude n’ont pas été intégrées dans ce petit calcul pédagogique), une tolérance de 0,5 mm.
S’il s’agit de savoir si un pied à coulisse peut ou non vérifier une telle tolérance, je ne pense pas, personnellement, qu’un étalonnage/vérification dans un laboratoire COFRAC ou non soit obligatoire… Et vous ?
CQFD : La norme est bien écrite pour ceux qui l’écrivent
Il ne tient qu’à l’utilisateur de l’adapter à son besoin…