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Technologies du Futur : une surprenante convergence vers un inversement total…

Dans un premier temps, il convient d’être modeste avec le concept de Futur … Nous entendons parler, de plus en plus chaque jour, de « l’Entreprise du Futur » mais que voulons nous évoquer au juste ?

Le Futur est comme l’Horizon, il file, tout comme lui, devant nous à chaque instant. Bien malin donc celui ou celle qui pourrait dire ce que le Futur sera, puisque nous ne l’atteindrons pas, jamais, aucun d’entre nous. Ce que nous savons de lui en revanche, et de façon quasi-exclusive, c’est qu’il passe par le présent. Dès lors, ce que nous appelons « Entreprise du Futur » de nos jours n’est finalement que ce que nous imaginons comme « devenir », à partir de nos connaissances actuelles, pour les organisations et procédés industriels.

Incontestablement, la formidable évolution des technologies que nous observons de nos jours nous entraîne vers un ailleurs. Ces extrapolations seront-elles justes, ou pas, l’avenir le dira. Et ceux qui verront notre futur « à nous » riront peut-être de ces extrapolations, tout comme nous nous moquons aussi parfois des extrapolations du passé qui étaient alors censées dessiner notre présent.

Ce point étant fait, revenons maintenant aux nouvelles technologies au cœur de notre sujet… À bien les observer, elles ont quelque chose de remarquable, un point commun inédit, elles révèlent une étonnante coïncidence : elles convergent, comme nous allons le voir ensemble, vers un inversement total des pratiques qui, jusqu’ici, s’étaient imposées !

La fabrication additive

L’exemple de la fabrication additive permet simplement de comprendre cet inversement. Depuis que l’industrie existe, nous avons enlevé de la matière pour obtenir l’objet désiré, voilà qu’aujourd’hui, l’impression 3D nous propose de l’obtenir par … addition. Cet enlèvement de matière qui a régné jusqu’alors est comme une forme de symbole d’un passé que nous imaginions d’opulence. On pouvait « gâcher »,  « jeter », « sur-consommer ». Mais que pouvions nous faire d’autre ? Nous n’avions pas de solution(s) alternative(s) …

De nos jours, parallèlement à la prise de conscience salvatrice que notre monde n’est pas infini, que nous ne pouvons plus gâcher, sur-consommer, de façon insouciante, la fabrication additive émerge, un peu comme un signe du destin. L’avenir devient possible car nous pouvons le rationaliser. Gageons que cette technologie aura de beaux jours devant elle, même s’il reste encore beaucoup à faire.

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Usinage versus fabrication additive

La cobotique

La cobotique est elle aussi un exemple d’inversement. Le robot, jusqu’à alors enfermé dans sa cage, trouve sa place désormais aux cotés de l’opérateur pour l’aider dans ses travaux les plus compliqués. La machine va devenir une entité en laquelle nous devrons avoir confiance. Elle sera là, tout à coté de nous, avec une puissance capable de nous blesser à tout moment si elle ne savait pas prendre soin de nous. Cet inversion de valeur entre une machine sans âme (le robot) et un « ami prévenant » (le cobot) dépassera probablement les frontières du monde industriel en pénétrant notre quotidien également.

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Robot versus Cobot

Le Big Data

Dans le monde du Big Data, l’inversement est également évident. Depuis des décennies, nos exigences relèvent plus de nos croyances que de la réalité du besoin. Les anglo-saxons parlent d’ « opinion driven ».

Il est par exemple d’usage, en mécanique, de prévoir la fabrication de tous les bouchons plus grands que les stylos qui risquent de leurs être associés. Cette approche, dite « au pire des cas », est sous-tendue par l’idée que n’importe quel bouchon puisse fonctionner avec n’importe quel stylo, donc que tous les couples « Bouchon/Stylo » possibles doivent pouvoir fonctionner.

Or, tous les appariements ne seront pas réalisés ! Le Big Data s’intéresse aux couples « Bouchon/Stylo » que le hasard des prélèvements a réellement formés dans la réalité et qui fonctionnent ! Les anglo-saxons parlent ici de « Fact driven ».

Il s’agit là, contrairement à une démarche classique de type « Descendant » (ou Top-Down : « Je crois qu’il me faut ça »), de déterminer les conditions optimales de fonctionnement sur la base de la réalité et de tenter de les reproduire pour être satisfait. On est alors dans une approche de type « Ascendant » (ou Bottom-Up), radicalement opposée. Lire : Du déterminisme au datamining

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Plan « table à dessin » versus Réalité fonctionnelle

Organisation industrielle

Les organisations industrielles sont elles aussi bouleversées, non pas cette fois-ci par la technologie directement mais par l’évolution « philosophique » des nouvelles générations (induite probablement en partie par la technologie également, notamment via le numérique et l’accès facilité à la connaissance). D’organisations pyramidales, hiérarchiques dans lesquelles régnait un processus de commandement vertical, les organisations s’adaptent aujourd’hui à d’autres formes de management. Que ce soit « l’entreprise libérée » ou « l’entreprise responsabilisante », les organisations cherchent à donner plus d’autonomie à leurs collaborateurs pour améliorer leurs résultats et … leur bonheur, mot quasi-inexistant il n’y a encore que quelques années dans ce monde-là. Cette évolution du management, plus horizontal (chacun connait son rôle et son importance dans l’entreprise) que vertical (les collaborateurs reçoivent et exécutent des ordres venus « d’en haut ») est là encore un inversement total. Quoi de plus inverse en effet qu’une droite horizontale à une droite verticale ?

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Management vertical versus management horizontal

Et la Métrologie dans ce contexte ?

Il est remarquable de constater que ces évolutions technologiques sont en rupture totale avec les pratiques connues antérieurement. Faut-il ici parler de disruption ou plus simplement d’évolution naturelle, laissons cette question aux spécialistes. En revanche, et modestement, on ne peut que constater que ces évolutions remettent en cause un grand nombre de certitudes et, qu’en ce sens, elles peuvent en effet « générer une perte de repères chez l’individu »

Suivant Wiktionary :

Disruption :

  1. (Mercatique) Stratégie d’innovation par la remise en question des formes généralement pratiquées sur un marché, pour accoucher d’une « vision », créatrice de produits ou de services radicalement innovants.
  2. (Psychologie) Accélération de la société qui génère une perte de repères chez l’individu.

La Métrologie a donc enfin une porte grande ouverte pour s’inscrire, elle aussi, dans la « disruption ». Pourquoi manquerait-elle, elle seule, cette opportunité ?

La Smart Metrology, décrite dans l’ouvrage que j’ai rédigé en collaboration avec Laurent Leblond, propose une des voies possibles de disruption pour ce métier. En cela, elle participe à ce mouvement historique. En prônant le poids de la mesure dans la décision plus que dans la conformité de l’instrument, en incitant à modifier profondément la philosophie de gestion d’un parc d’instruments de mesure (lire « De l’évidente inutilité des étalonnages périodiques »), en s’imposant dès la conception d’un produit pour aider à l’expression du besoin fonctionnel « au juste nécessaire », en jouant enfin son rôle dans le pilotage des procédés plutôt que dans le simple contrôle des produits finis, la Métrologie fait aussi sa révolution, son aggiornamento. Elle dessine ainsi un avenir bien plus prometteur que son statut actuel souvent peu, voire mal considéré. Tournée vers l’efficience, donc vers le respect des générations futures, elle prendra toute sa place dans l’Entreprise du Futur.

Les métrologues peuvent donc, s’ils le souhaitent et tout comme notre rameur en illustration, changer d’horizon pour changer de Futur. Il leur suffit de devenir Smart Métrologue, la forme « inverse » du métrologue historique…

L’avenir appartient aux audacieux, il appartient à ceux qui cherchent, qui prennent des risques. (Raymond Vincent)

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