Opportunité : la face positive du Risque
L’événement majeur dans le monde de la Qualité qui se dessine pour les prochains mois est probablement la nouvelle version de la norme ISO 9001, en cours d’évolution.
J’ai participé, le 4 septembre dernier, à la réunion de dépouillement de l’enquête publique qui a été lancée par l’AFNOR en début d’année. La version est au stade D.I.S : Draft International Standard. Une petite centaine de personnes très concernées a longuement discuté sur tel ou tel mot, telle ou telle expression contenue dans le texte actuel pour statuer quant à la position française (positive sans aucun doute) mais aussi pour porter des commentaires, dans l’espoir qu’ils soient retenus.
De mon côté, je n’avais que deux remarques à faire (La norme ISO 9001 n’est pas une norme de métrologie et il faut rester modeste dans ses demandes). J’espère qu’elles ont été entendues car je n’ai pas pu rester le lendemain pour les défendre, j’ai délégué…
La première concernait la traduction du mot « valuable » de la la version anglaise en « valable », telle qu’on la trouve par exemple dans le §7.6 de la version actuelle. En français, le terme « valable » ne signifie pas grand-chose contrairement au « valuable » du monde anglo-saxon qui traduit une notion quasi juridique. J’ai proposé simplement de traduire par « valide » qui est la traduction officielle.
La seconde concernait l’alinéa g du paragraphe 8.5.1 :
g) la validation, et les validations périodiques, de l’aptitude de tout processus de production et de prestation de service à obtenir les résultats planifiés lorsque les éléments de sortie ne peuvent pas être vérifiés par une surveillance ou une mesure effectuée a posteriori.
À mon sens, il est problématique d’écrire que nous devons maitriser les processus lorsqu’on ne peut pas mesurer le produit fini. C’est ainsi que pourrait se comprendre cette phrase. Or, que je sache, la performance est de « faire bon du premier coup », pas de constater a posteriori qu’on n’a pas réussi à faire conforme… Ainsi, la maitrise des processus de production doit être la clé de voûte du système, qu’on puisse ou non mesurer les éléments de sortie. Je dirai même que si les processus sont maitrisés, il n’est pas nécessaire de mesurer les « éléments de sortie ». Les spécialistes m’expliquent que cet alinéa concerne plus particulièrement les procédés spéciaux, c’est à dire les procédés pour lesquels il n’est effectivement pas possible de mesurer le produit final. Néanmoins, sa formulation ne me parait pas assez explicite. Du coup, j’ai proposé une autre formulation :
g) la validation, et les validations périodiques, de l’aptitude de tout processus de production et de prestation de service à obtenir les résultats planifiés, notamment lorsque les éléments de sortie ne peuvent pas être vérifiés par une surveillance ou une mesure effectuée a posteriori.
La nouvelle version de la norme est implicitement, me semble-t-il, orientée Excellence Opérationnelle (Expression française assimilable généralement à Lean Management). Elle met également en avant les notions de Risques et d’Opportunités.
Ma présence le 4 juillet était surtout l’occasion de comprendre comment les qualiticiens appréhendaient ces notions. La phrase que j’ai retenue est celle que j’ai choisie pour titre à ce billet : L’opportunité est la face positive du Risque…
Après quelques recherches sur ces concepts, j’ai trouvé un billet qui me parait intéressant, je le partage.
Du coté Métrologie, la notion de Risque a fait une entrée remarquée avec le document JCGM 106, repris immédiatement en norme internationale dans la collection ISO, puis traduite dans la foulée en français pour devenir la norme NF ISO/CEI Guide 98-4.
Si la notion de Risque a toujours été associée à l’incertitude de mesure, cette nouvelle norme introduit l’idée qu’elle est aussi associée au process de fabrication lui-même. Le Risque Client nait en effet de deux événements aléatoires indépendants : fabriquer un « Non Conforme » (probabilité liée au process) et mesurer ce « Non Conforme » « Conforme » (probabilité liée à la mesure).
Le travail du métrologue, du fait de cette nouvelle norme qui le concerne directement, et du nouvel esprit de la norme ISO 9001 qui met en avant la notion de Risque, va donc probablement enfin évoluer pour le bénéfice de tous : Maitriser les décisions, à la lumière des Risques associés.
Si la Métrologie connait les Risques, a-t-elle son mot à dire sur les Opportunités, face cachée des Risques ?
Pour moi, les choses sont claires depuis longtemps. Il suffit de parcourir les entreprises et les laboratoires pour savoir que les incertitudes de mesure sont rarement connues, plus rarement encore considérées dans les décisions. De ce fait, et il est aisé de le démontrer, les opportunités de la métrologie se trouvent dans l’expression des spécifications. Nous sommes nombreux à savoir que ces spécifications ne représentent pas le besoin réel, le besoin fonctionnel. Elles tiennent compte de marges de sécurité qu’une métrologie maitrisée pourrait permettre de diminuer. Voilà une opportunité d’une très grande ampleur qui s’ouvre pour les industriels : mieux maitriser ses mesures pour mieux maitriser ses exigences ou, dit autrement « Métrologie : outil de la compétitivité et du développement durable », car c’est bien de cela dont il s’agit !
Nous traitons, en collaboration avec Frédéric Authouard, de ce sujet dans l’article « Comment définir les EMT » paru ce mois-ci dans la revue Contrôles Essais Mesures (N°48, Septembre 2014).
Ci-dessous la conclusion de l’article :
La nouvelle version à venir de l’ISO 9001 s’organise en grande partie autour des concepts de Risques et d’Opportunités. La Qualité s’entendra demain comme la capacité à prévenir ou accepter des risques mesurés et à saisir des opportunités d’amélioration. La métrologie me semble par conséquent pouvoir devenir l’un des piliers majeurs de cette nouvelle philosophie, tant sur la quantification et la maitrise des risques (cf les préconisations de la nouvelle norme NF ISO CEI Guide 98-4) que dans l’exploration d’opportunités visant à améliorer la performance, donc la compétitivité. En effet, dans le monde actuel où, pour pouvoir considérer que les mesures sont justes, on a probablement réduit l’expression des exigences fonctionnelles, il y a forcément « du grain à moudre » en reconsidérant les choses.
Tout comme Frédéric s’interroge sur l’EMT de sa balance et signale qu’en dessous d’un certain seuil, une telle exigence serait improductive voire pire, sur-couteuse, les industriels doivent s’interroger sur la pertinence de leurs exigences eu égard au besoin fonctionnel réel. Une meilleure approche de la métrologie, une meilleure exploitation des données qualifiées disponibles mais également les outils numériques à notre disposition en ce début du XXIème siècles doivent nous permettre de remettre à plat un certain nombre d’habitudes. La nouvelle version de la norme insiste sur des prises de décision établies sur des faits (versus des décisions prises sur des opinions ou des croyances, empiriques ou dogmatiques), il est plus que temps qu’elle soit mise en œuvre et que les auditeurs se préparent à une profonde modification de leur vision du métier du métrologue…